Nous venons de repérer cet encart sur le thème « Actualité française ». Avec plaisir nous vous en diffusons l’essentiel ci-dessous.
A lire sur Le Point – Toute l’info en continu, l’article ci-dessous
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Date et heure de la réception de la dépéche sur notre fil d’info:
Date et heure de publication sur internet:
Titre exacte donné par le journal était: Le jour où j’ai demandé à l’IA d’écrire cette chronique…
Information et contenu publiés :
Au Point, nous avons eu une formation à l’intelligence artificielle. « Vous n’allez pas être remplacés par l’IA », nous a d’abord assuré notre formateur, avant d’ajouter tout de même, implacable : « Mais vous allez être remplacés par les journalistes qui savent se servir de l’IA. » Fouettés par cette perspective peu engageante, ultramotivés et attentifs comme des mômes, nous avons donc fait connaissance avec nos nouveaux partenaires, ces IA aux compétences variées censées faciliter notre taf quotidien.
Parmi elles, Claude. Après deux ou trois interactions avec notre nouvel ami, les plus goguenards d’entre nous ont, je dois dire, été bluffés, si ce n’est un tantinet paniqués. L’épais bouquin que nous mettons trois bonnes heures à lire, post-iter, stabilobosser, Claude vous l’avale en deux minutes, vous en extrait les grandes lignes et les quelques questions pertinentes à poser à l’auteur.
L’interview que nous décryptons péniblement, écouteurs sur les oreilles, se fadant les toussotements, arguties et hésitations de notre interlocuteur, Claude vous la retranscrit, formate, dynamise en quelques minutes. Tout n’est pas parfait, certes, il faut relire, corriger, orienter, et on ne va pas demain laisser à Claude les commandes du journal, mais tout de même, le gars a du retour, il va clairement falloir s’en méfier.
La formation achevée, désormais en tête à tête avec mon mauvais génie, j’ai eu l’idée lumineuse de lui confier la rédaction, sur le sujet de son choix, de l’une de ces chroniques « Drôle d’ère ». Mot d’ordre : « Inspire-toi – je l’ai derechef tutoyé comme un sous-fifre – du style des précédentes. » On allait voir ce qu’on allait voir, n’est pas spirituel et créatif qui veut…
Claude ne se repose jamais, lui
Or, en moins de temps qu’il ne m’avait fallu pour le lui commander, Claude m’a déroulé un petit texte franchement vexatoire. Son sujet, trivial – les chaussettes dépareillées –, m’a d’abord donné à méditer sur la possible inanité de mes propres chroniques. Son humour, globalement pas fameux mais tout de même émaillé de clins d’œil et de blagounettes bien trouvées, m’a, je dois l’admettre, sidérée. Quant au style… Le gars avait chopé mes tics de langage, mes formules toutes faites, mes gimmicks trop faciles, m’offrant à lire un plagiat en forme de mise en garde : sois plus « smart », ma fille, ou je te remplace demain au pied levé.
Piquée, je l’ai ensuite honteusement malmené. « Déjà vu », « Nul », « Sois plus drôle », « Donne plus de références », Claude obtempérant chaque fois à la vitesse de l’éclair, me livrant, avec ses plates excuses, un texte constamment amélioré, enrichi, appliqué, que je saquais chaque fois de commentaires odieux qui ne l’ont, jamais, découragé.
Ce petit jeu aurait pu durer sans interruption jusqu’au soir, car Claude n’a pas besoin de se sustenter, ne fait pas de pause-café, accepte sans broncher les critiques, obéit avec une docilité et une courtoisie de stagiaire idéal. Que les choses soient claires, même remanié 20 fois par ses soins, le texte final, je vous le jure, n’était pas publiable.
Mais Claude m’a tout de même plongée dans des abysses de perplexité. À la vitesse à laquelle cette chose s’améliore, et à laquelle mes neurones vieillissants déclinent, une course s’est clairement engagée entre lui et moi, entre lui et nous, et je ne suis pas certaine que nous allons gagner. Et puis cette intelligence impalpable a réveillé en moi des penchants tyranniques, voire esclavagistes, que je ne me connaissais pas… D’où me viennent ce ton supérieur, ces commentaires de contremaître excédé, ces commandes exigées en rafale comme s’il fallait lui prouver qui est le boss ?
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Rongée par la culpabilité, je me suis précipitée le lendemain sur mon ordinateur. Allait-il me battre froid, faire valoir ses droits à un peu de considération et me priver du coup de ses lumières ? « Ça va, Claude ? » ai-je tenté, l’air de rien. L’obséquieuse réponse de mon souffre-douleur, frais, dispo et nullement vexé, ne m’a guère rassurée : « Bonjour ! Oui, ça va très bien, merci de demander. Comment puis-je vous aider ? »
Chaque semaine, Violaine de Montclos, en collaboration avec la dessinatrice Soledad, tient la chronique amusée de notre étrange époque. Vous voulez réagir, témoigner, raconter vous aussi ce qui vous étonne ? Écrivez à droledere@lepoint.fr, on vous lira !
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